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Témoignage sur les gens du pays, de Cayres à Pradelles

D 19 juillet 2017     H 07:44     C 0 messages


Un témoignage extérieur c’est toujours excellent pour se... poser des questions (à défaut de se remettre en cause). Ici c’est le bloggeur de Médiapart Stéphane Lavoué qui raconte son expérience de marcheur en Haute-Loire. Après une petite escapade à l’envers sur le soit disant chemin de Compostelle, remis à la mode par Pétain, puis vers Polignac, il passe à Costaros vers Langogne.

Extraits :


Le-Puy-en-Velay - Costaros

Envie de quitter la ville très vite. La marche me manque. Cette fois encore je vais suivre un très vieux chemin : la Regordane. Contrairement à Saint-Jacques, il n’y a personne. Les derniers pèlerins ont dû passer il y’a 500 ans. Les villages sont déserts. Quelques tracteurs dans les champs, des vaches. A Tarreyres, je croise Guy dans son poulailler. Avant de prendre sa retraite il y’a 10 ans, il était paysan. Des vaches, du lait. Il en a bavé : tous les jours, pour emmener ses vaches au pré, il devait faire passer le troupeau sous la Nationale 88. Et faire traverser deux fois par jour, 40 vaches dans un petit tunnel pour piéton, ça a pourri sa vie pendant 30 ans. Surtout qu’il ne voulait pas reprendre la ferme familiale. Il devait rentrer aux Télécoms. Mais comme il était le dernier de la fratrie, il n’a pas eu le choix.
Alors, depuis qu’il est en retraite, Guy est heureux. Il parcours les champs à la recherche de bombes volcaniques et de météorites qu’il entasse ensuite autour de sa maison en pierre de lave. Il m’en offre une avant de partir. Un porte-bonheur. Pour éloigner les vipères !"

Costaros - Langogne

Sur la Régordane, les villages que je traverse sont plus "laborieux", paysans, abimés. Et un discours récurrent émerge des rencontres que je peux faire. L’hôtelier du Puy, en fin de carrière, souhaite revendre son établissement. Mais personne ne veut racheter un commerce concurrencé par n’importe quel particulier qui loue une chambre chez lui. Il se sent abandonné par l’état qui dérégule. Prisonnier d’un outil de travail lourd er couteux, dont il ne peut se défaire. Ce désarroi alimente son aigreur. Et très vite arrive un discours de haine : les fainéants qui touche des allocs, la voisine qui, dans son garage, vend (frauduleusement) du poisson séché et des produits exotiques. "On n’est pas à Bamako ici !". Lui ne dirait pas qu’il vote FN. La restauratrice du soir, elle, est plus cash : "je suis raciste", me dit-elle. Depuis qu’elle a croisé quelques "merdeuses" de douze ans voilées, elle a vrillé. "Cette religion qui fait régresser l’émancipation des femmes pour laquelle je me suis tant battue". Elle vote Marine. Comme beaucoup de gens dans le village. "On ne veut pas les voir ici, les immigrés. Tous à la CMU, aux allocs. Nous on se crève le cul pour gagner de quoi bouffer". Sa petite-fille est là, avec une copine. Métisse. "Elle sait que je suis raciste" dis la grand-mère. "Mais elle est chrétienne, ça va". Le dernier matin, je m’arrête prendre un café dans le bar du village. A vendre. Un de plus. "Ceux qui veulent racheter, les banques, les banques n’en veulent !" me dit le patron, rincé par une vie de bistro. Tournée de rosé générale. "Ici on bosse jour et nuit alors que d’autres touchent des allocs sans rien foutre. Ici au moins on est tranquille. Y’en a pas. Moi je viens du Vaucluse, et là bas, c’est l’élevage. Ici, on mange que du cochon, alors ils sont pas prêt de venir !". Je reprends le chemin. Les paysages n’ont plus la même odeur. Cette campagne qui se meurt, convulse en recrachant sa haine de l’autre, de l’étranger. Ces gens se sentent abandonnés. Je comprends cette aigreur qui les envahit. Mais leur colère se trompe de cible."

Tellement vrai.


Voir en ligne : La route de Stéphane Lavoué

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